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Société de capital investissement : un éclairage récent en matière de responsabilité

Publié le 18 novembre 2013

(Cour d’appel de Paris - 8ème chambre : arrêt du 5 novembre 2013 n° 12/14409)

Une société de capital investissement (la société A) détient une participation au capital d’une société holding (la société B), membre d’un groupe de négoce bordelais, aux côtés d’autres actionnaires, parmi lesquels la société C.

Par la suite, l’ensemble des actionnaires de la société B décide de céder l’intégralité du contrôle de ladite société à une société anonyme coopérative (la société D).

Diverses conventions doivent être négociées, en particulier un protocole de cession et un prêt consenti par la société retrayante C à la société holding B ; ce prêt étant lui-même assorti d’un engagement de caution donné par la société anonyme coopérative en faveur de la société prêteuse C.

Pour les besoins de cette opération, la société C décide de donner mandat à la société A d’agir en son nom et pour son compte et de la représenter dans les pourparlers ainsi engagés avec la société repreneur D. Ce mandat est libellé dans les termes suivants : « (…) dire et faire ce qui vous paraîtra devoir être dit et fait pour défendre au mieux nos intérêts y compris signer en mon nom tous documents relatifs à une éventuelle cession de valeurs mobilières : ordres de mouvement, promesses de vente, etc… »

Peu après, la société B fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation. La société C tente de faire fait jouer l’engagement de caution qu’elle détient à l’encontre de la société D. Cet engagement est dans un premier temps déclaré nul par la Cour d’appel de Bordeaux, en raison de l’absence de pouvoir de la part de son signataire, le président de la société anonyme coopérative D. Dans un second temps, la société C décide d’engager la responsabilité de son mandataire, la société A.

Dans cette affaire, deux enseignements sont à retenir.

(1) une société de capital investissement agit en tant que professionnel rompu aux opérations de haut de bilan ; l’appréciation de ses fautes doit donc s’opérer en conséquence.

La société C a poursuivi en responsabilité de la société A, à raison des manquements commis par cette dernière dans la mauvaise exécution de son mandat.

Les juges d’appel ont tout d’abord considéré que la négociation et la signature du cautionnement litigieux étaient incluses dans le mandat dont la société A avait été investi par la société C. Reproche est fait ensuite à la société A de ne pas s’être assurée de la capacité juridique du signataire de l’acte de cautionnement.

La société A soutenait pour sa part qu’elle avait agit dans le cadre d’un mandat gratuit et qu’elle n’était tenue que par une simple obligation de moyen.

Ces arguments sont rejetés par les juges d’appel qui ont considéré que la société A était tenue au contraire de s’assurer de manière rigoureuse des vérifications suivantes avant d’engager par sa signature la société C :

  • forme de la société contractante,
  • existence ou non d’une délibération ayant autorisé le représentant légal de la société D à fournir un tel cautionnement
  • date de l’autorisation
  • au besoin, plafond des engagements autorisés
  • régularité formelle de la délégation de signature


Faute d’avoir opéré de telles vérifications, la société A est déclarée responsable, nonobstant le fait que le mandat dans le cadre duquel elle agissait, n’a pas été rémunéré.

La Cour d’appel considère en droit que ces vérifications incombaient nécessairement à la société A, dans la mesure où elle a agi en tant que spécialiste du financement et de la transmission d’entreprises, de sorte qu’elle dispose d’une expérience qui lui permet d’apprécier l’opportunité et la nécessité des vérifications qu’elle a omis d’effectuer.


(2) Cette affaire rappelle également les conditions de validité liées à la fourniture d’un engagement hors bilan par une société anonyme coopérative.

L’acte de cautionnement litigieux a été déclaré nul pour avoir été signé par une personne -- en l’occurrence le président du conseil d’administration de la société D -- ne disposant pas d’une autorisation expresse de la part de son conseil d’administration.

En application des dispositions légales applicables aux sociétés anonymes et en particulier aux sociétés anonymes coopératives agricoles, seul le conseil d’administration desdites structures dispose d’un pouvoir pour accorder une caution au nom de la société, sauf délégation spéciale conférée à l’un des membres du conseil d’administration.

Article rédigé par :

Ronan LE MOIGNEAvocat Associé

Ronan LE MOIGNE intervient depuis de nombreuses années dans les principaux domaines du droit des affaires. A ce titre, il est régulièrement amené à conseiller les...

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