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Le saviez-vous ? Le secret des affaires est désormais protégé par la loi française

Publié le 12 octobre 2018

Le Parlement a adopté en plein été, presque secrètement, une loi sur le secret des affaires, transposant en droit français, aux articles L.151-1 et suivants du Code de commerce, la directive européenne 2016/943/UE du 8 juin 2016. Un décret d’application doit venir préciser les conditions d’application du nouveau dispositif.

A l’heure de la transparence et de la mondialisation, il était crucial que les entreprises françaises soient mieux protégées face aux menaces d’espionnage industriel, de fuites d’informations ou encore de cybercriminalité, et ce d’autant que nombre de leurs concurrentes étrangères bénéficient déjà d’un tel dispositif depuis longtemps. 

Cette loi du 30 juillet 2018 constitue donc un nouvel outil pour les entreprises permettant de renforcer la protection de leurs informations commerciales, techniques et stratégiques à condition de se l’approprier correctement.

Qu’est-ce que le secret des affaires ?

Pour être protégée, une information doit réunir trois conditions cumulatives : 

  • Elle doit tout d’abord être secrète, c’est-à-dire être connue d’un nombre limité de personnes. Autrement dit, il doit s’agir d’une information limitée à l’entreprise et inconnue du grand public ou des personnes évoluant dans le même secteur d’activité.
  • Ensuite, l’information doit revêtir une valeur commerciale « du fait de son caractère secret », cette valeur pouvant être « effective ou potentielle », ce qui devrait permettre une protection large des informations par le nouveau dispositif mis en place. 
  • Enfin, l’information doit faire l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Ainsi, seules les entreprises ayant mis en place des « mesures de protection raisonnables » de leurs informations pourront se prévaloir d’une protection au titre du secret des affaires. 

La loi ne donne aucune indication quant à la nature de ces mesures. 

Il appartient donc aux entreprises, après avoir identifié les informations susceptibles de protection, de faire le choix des mesures destinées à les protéger. Il s’agit d’une démarche positive démontrant que l’entreprise prend des mesures concrètes pour garder secrètes certaines informations.

Des mesures techniques (contrôle physique des informations, utilisation de mots de passe ou de serveurs sécurisés) et organisationnelles (restriction de l’accès aux informations et contrôle) peuvent être mises en place.

Sur le plan juridique, il est fortement conseillé aux entreprises de conclure des accords de confidentialité ou d’insérer des clauses de confidentialité ou de non-divulgation dans les contrats les liant à leurs employés et partenaires en faisant référence expressément à cette nouvelle disposition légale.

Quel est le régime de protection du secret des affaires ?

La loi permet de poursuivre les personnes qui ont obtenu, utilisé ou divulgué le secret des affaires sans le consentement de son détenteur, ou en violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation.

Sont également sanctionnés la production, l'offre ou la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou le stockage de produits résultant de manière significative d'une atteinte au secret des affaires par une personne qui savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret était utilisé de façon illicite.

La loi prévoit plusieurs exceptions à la protection du secret des affaires.

Ainsi, l’obtention d’un secret des affaires sera licite lorsqu’elle est consécutive à une découverte ou une création indépendante ou résultera d’un procédé d’ingénierie inverse. 

Le secret des affaires ne sera pas opposable :

  • lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée légalement ; 
  • ou, lors d’une instance relative à ce secret pour exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, ou pour révéler une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi.

Quelles actions et sanctions en cas d’atteinte au secret des affaires ?

La loi prévoit des mesures pouvant être ordonnées par les juges pour prévenir et faire cesser une atteinte : mesures d’interdiction de poursuite des actes illicites, de destruction ou de remise des documents, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires, ou encore de rappel des circuits commerciaux des produits « résultant de manière significative de l'atteinte au secret des affaires ».

Le juge pourra également sur requête ou en référé, ordonner des mesures provisoires et conservatoires dont les modalités seront déterminées par décret en Conseil d'Etat

La loi a fixé les modalités d’évaluation par le juge du montant des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi, selon une formulation similaire à celle applicable en matière d’atteinte aux droits de la propriété intellectuelle. 

Ainsi, le juge prendra en considération distinctement : 

  • les conséquences économiques négatives de l'atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;
  • le préjudice moral causé à la partie lésée ;
  • les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte.

Le juge pourra, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui tient notamment compte des droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le secret des affaires en question. A cette somme pourra s’ajouter l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Enfin, la publication de la décision ou d’un extrait pourra être ordonnée par le juge.

En conclusion, ce nouveau dispositif devrait assurer aux entreprises une meilleure protection de leurs secrets des affaires. Toutefois, pour en bénéficier, les entreprises doivent mettre en œuvre des « mesures de protection raisonnables » pour garder leurs informations secrètes et pouvoir en justifier en cas de litige.

Lexymore reste naturellement à votre disposition pour :

  • vous accompagner pour identifier les éléments de votre entreprise qui peuvent relever du secret des affaires ;
  • la mise en place de mesures de protection raisonnables au sens de la nouvelle loi ;
  • engager toute action pré-contentieuse ou contentieuse pour obtenir réparation de votre préjudice à raison de la violation de vos secrets d’affaires !

Article rédigé par Lucie Corvisier et Caroline Prunières

Article rédigé par :

Caroline PRUNIÈRESAvocate Associée

Après plusieurs années d’exercice professionnel à Paris au sein de cabinets d’avocats d’affaires à dimension internationale (Salès Vincent &...

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