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Conflit d'associés, un risque trop souvent négligé

Publié le 17 février 2017

 

L’association est un mariage, et comme tout projet enthousiasmant, rares sont les associés/actionnaires qui anticipent les solutions juridiques pour parer à une mésentente à venir.

 

Si dans les sociétés cotées, ou les groupes de sociétés bien structurés, l’accompagnement juridique ne pose généralement pas de difficulté, et les risques sont relativement maitrisés et encadrés, la France reste constituée d’un large tissu de PME.

 

Leurs fondateurs n’ont pas le réflexe de songer aux « lendemains qui déchantent » et à l’heure où foisonnent des « modèles gratuits » de statuts de sociétés, et/ou un contrat de société est souvent rédigé par des prestataires qui ne sont pas des professionnels du droit, il faut bien reconnaitre qu’en cas de conflit, nombreux sont les associés totalement démunis.

 

Lorsque disparait peu à peu l’affectio societatis qui avait présidé à la constitution d’une société et en l’absence de pactes d’actionnaires et/ou de clauses statutaires spécifiques préventives la situation peut même devenir extrêmement délicate.

 

En cas de litige, un associé ou un bloc d’associés a généralement recours au juge, imaginant, comme dans le cadre d’une procédure de divorce que celui-ci prononcera sans difficulté la séparation.

 

Il n’en est rien.

 

L’article 1844-7 5° du Code Civil dispose que la société prend fin : « Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

 

La jurisprudence retient en substance trois conditions cumulatives pour qu’une demande de dissolution judiciaire d’une société formulée par l’un de ses associés puisse prospérer : 

 

  • -L’associé demandeur ne doit pas être à l’origine de la mésentente entre associés ; 
  • -L’associé demandeur doit démontrer un manquement grave et répété aux obligations sociales qui incombent aux autres associés et/ou une mésentente grave entre associés ; 
  • -Enfin, l’associé demandeur doit démontrer que le manquement grave et répété aux obligations sociales qui incombent aux autres associés et/ou la mésentente grave entre associés a entrainé la paralysie du fonctionnement de la société.

 

A défaut de réunir ces trois conditions, l’associé demandeur perd systématiquement son procès.

 

Ainsi, l’associé qui sollicite la dissolution judiciaire de la société doit prouver l’existence d’une mésentente grave et sérieuse. Mais celle-ci ne suffit pas à obtenir gain de cause. Encore faut-il que cette mésentente se traduise par une entrave totale à la bonne marche des affaires sociales, c'est-à-dire par un blocage du fonctionnement de la société.

 

Pour les tribunaux ce blocage consiste souvent en une impossibilité pour les organes sociaux de prendre des décisions ce qui est généralement le cas lorsque deux blocs d’associés égalitaires s’opposent. C’est ainsi que la dissolution judiciaire d’une société est souvent prononcée dans l’hypothèse d’une répartition capitalistique égalitaire.

 

En dehors de cette situation, et même en cas de conflit extrêmement violent entre associés, dès lors que les décisions peuvent être votées à la majorité, même à une action près ce qui est le cas des « golden share », il n’y a pas lieu de dissoudre c'est-à-dire de prononcer la mort judiciaire de la société.

 

En effet, les tribunaux s’attachent à préserver la société, personne morale distincte de ses associés, et considèrent qu’il n’y a pas lieu, même si les associés sont en grave conflit, de l’anéantir, dès lors que l’entreprise fonctionne normalement.

 

Or, il est extrêmement fréquent que, même en cas de mésentente entre associés, l’activité de la société ne soit pas paralysée.

 

C’est ainsi que les conflits entre associés produisent des contentieux violents, longs, coûteux, épuisants, pour un résultat au final aléatoire et souvent frustrant.

 

Les juridictions commerciales répugnent souvent à entrer dans le débat « passionnel » de l’origine de la mésentente, se repliant à juste titre sur les fondamentaux du droit positif et en appliquant strictement les dispositions légales : pas de blocage = pas de dissolution.

 

Il est donc impératif, avant de se lancer dans l’aventure de la création d’une entreprise de bien se prémunir avec une réflexion poussée sur l’organisation des relations entre associés et de prédéfinir les solutions qui seront mises en œuvre en cas de mésentente grave.

 

Cette prévention nécessite une rédaction de statuts sur mesure tenant compte des ambitions, tempéraments et besoins de chacun, éventuellement de celle d’un pacte d’associés ou autre convention prévoyant des promesses unilatérales de vente et/ou d’achat, des clauses de rachat forcé, de retrait ou d’exclusion, des clauses de « buy or sell », de « good leaver or bad leaver », de sortie conjointe, etc.

 

Il est judicieux et fondamental d’organiser le droit de retrait du capital en cas de blocage, et de réfléchir précisément à des modes de calcul de valorisation des participations.

 

Sauf cas pathologiques que les avocats judiciaires connaissent bien, liés à des situations où un associé se nourrit du conflit, l’alimente et entend spolier son partenaire en capital, il est également judicieux, avant toute procédure judiciaire, d’entrer dans un processus de règlement amiable du différend, tel que la conciliation, la médiation ou le droit collaboratif, et de prévoir d’avoir recours à un mode alternatif de règlement du conflit dès la rédaction des statuts fondateurs.

 

Organiser juridiquement la séparation lors du mariage éprouve dès l’origine l’affectio societatis et permet de limiter les conflits.

 

En effet, la loyauté qui préside à ces discussions lorsque tout va bien est souvent le gage de la pérennité d’une relation qui sera conforme à l’intérêt des associés et donc à celui de la société. 

 

De même, en cas de conflit, la séparation, pensée et organisée en sera grandement facilitée.

 

Lexymore met chaque jour à la disposition de ses clients associés/actionnaires son savoir-faire pour anticiper et gérer les conflits. N’hésitez pas à faire appel à des professionnels du droit pour vous protéger !

 

 

Article rédigé par :

Caroline PRUNIÈRESAvocate Associée

Après plusieurs années d’exercice professionnel à Paris au sein de cabinets d’avocats d’affaires à dimension internationale (Salès Vincent &...

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