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Rupture des relations commerciales : Qui ? Quoi ? Combien ?

Publié le 12 mai 2017

L’article L. 442-6 5° du Code de Commerce prévoit notamment ce qui suit : 

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».

Ce texte a été pensé il y a plus de 20 ans pour sanctionner les déréférencements abusifs dans la grande distribution.

L’objectif était de protéger le petit partenaire contre la puissance de feu des grandes enseignes.

Au fil du temps, tous les domaines du commerce et de l’industrie se sont emparés de cette disposition légale pour voir sanctionner la rupture d’un partenariat.

Les avocats rompus au droit des affaires sont donc amenés à plaider très régulièrement sur ce texte pour défendre leurs clients, qu’ils soient auteurs ou victimes d’une rupture brutale de relations commerciales établies.

Or, ces procédures pourraient fort souvent être évitées si, en amont, les dirigeants étaient juridiquement accompagnés dans le cadre de la rupture d’une relation commerciale, même dans l’hypothèse où aucune faute n’est reprochée à un cocontractant.

Cela est d’autant plus nécessaire que le droit de la rupture des relations commerciales établies est très casuistique, que les risques financiers sont loin d’être négligeables pour l’entreprise et, qu’au final, la partie la plus faible économiquement n’est pas la plus protégée.

 

  • Qui est concerné par l'article sur la rupture des relations commericales ?

 

Le dispositif s’applique à tout acteur économique qui exerce une activité de production, de distribution ou de services, c'est-à-dire à l’ensemble des partenaires commerciaux (fournisseurs, clients, prestataires, sous-traitants etc.) quel que soit leur statut juridique.

Ce qui compte est l’activité commerciale tant et si bien que tous les acteurs économiques sont concernés à l’exception des professions réglementées dont le statut interdit l’exercice d’une activité commerciale.

Sont également exclues certaines professions dont l’activité et, plus précisément, la rupture de partenariat est d’ores et déjà organisée par une disposition législative spéciale : c’est le cas des relations entre les agents commerciaux et leurs mandants ou encore des bailleurs avec leurs preneurs qui relèvent du statut des baux commerciaux.

Pour résumer, il faut donc que les partenaires exercent une activité commerciale par la fourniture d’un produit ou d’une prestation de services.

Le dispositif s’applique à ces professionnels lorsqu’ils sont engagés dans une relation commerciale établie.

Or, l’analyse de ce qui constitue ou non une relation commerciale établie est source d’un abondant contentieux.

La Cour de Cassation considère qu’il s’agit d’une relation commerciale régulière, stable et significative ce qui est une définition plus « économique » que juridique.

Est considérée comme une relation régulière, celle qui est issue de l’exécution d’un contrat à durée indéterminée mais également une simple relation commerciale non formalisée par un contrat écrit, une succession de contrats isolés ou de contrats à durée déterminée.

En outre, les tribunaux considèrent qu’une relation est stable et significative dès lors qu’il est raisonnablement possible pour les parties d’anticiper pour l’avenir une certaine continuité de leur flux d’affaires.

En d’autres termes, la relation doit être dépourvue d’ambiguïté et il faut être clairement fondé à croire en la poursuite des relations commerciales entretenues pour l’avenir.

Avant de rompre un partenariat commercial, il faut donc se poser la question de savoir si la relation présente un caractère ponctuel et isolé, si le partenariat est par nature provisoire, s’il exclut toute tacite reconduction ou si, au contraire, la relation présente une réelle stabilité.

C’est ainsi qu’il a été jugé que le recours à l’appel d’offres permettait a priori d’échapper à la qualification de relation commerciale établie compte tenu de la précarité attachée à la relation issue de la mise en concurrence régulière d’un fournisseur ou d’un prestataire.

La jurisprudence issue de la pratique témoigne ainsi de ce que la protection souhaitée par le législateur à l’origine produit des effets pervers puisque pour échapper au dispositif, celui qui veut rompre un partenariat a tout intérêt à le précariser et ce sont généralement les entreprises les plus faibles économiquement qui subissent donc de plein fouet la situation.

 

  • Qu’est-ce qui est sanctionné par le dispositif ?

 

Le droit français prohibe l’engagement perpétuel ce qui est conforme au principe de la liberté du commerce et de l’industrie : si on peut choisir son cocontractant on doit pouvoir librement rompre un partenariat.

La rupture n’est donc pas en elle-même sanctionnée puisque c’est la rupture brutale que le législateur a entendu sanctionner.

Il est intéressant de noter que si la rupture totale (résiliation ou non renouvellement) est sanctionnée, la rupture partielle l’est également, c'est-à-dire celle qui entraine une modification substantielle de la relation commerciale.

Cette précision du législateur a pour objet de sanctionner un désengagement du partenariat au fil du temps (baisse des commandes, déréférencement de produits fournisseur, modification unilatérale de tarifs, remise en cause d’une exclusivité etc.) pour tenter de contourner la rupture brutale dans son sens originel.

Est considérée comme brutale la rupture d’un partenariat qui ne respecte pas de préavis écrit, d’où l’importance de conserver une preuve de la notification de la rupture (courrier RAR, accusé de réception de courriel etc.).

Par ailleurs, le préavis octroyé au partenaire évincé doit être suffisant, problématique qui nourrit là encore un abondant contentieux puisque cette notion de préavis suffisant s’apprécie au cas par cas, notamment à l’aune de l’ancienneté de la relation commerciale mais également de la dépendance économique de la victime à l’égard de l’auteur de la rupture (sauf si elle résulte d’un choix délibéré du partenaire évincé) du caractère saisonnier ou non de l’activité, de la présence de nombreux fournisseurs alternatifs sur le marché etc.

En d’autres termes, se contenter de respecter un préavis contractuel peut s’avérer extrêmement insuffisant au regard de la relation commerciale établie existant entre les parties.

Il faut donc être extrêmement vigilant avant de rompre un partenariat tant pour apprécier sa durée réelle que sa stabilité.

Il faut rompre sans équivoque en octroyant un préavis notifié par écrit et suffisant au regard notamment de l’ancienneté du partenariat.

A défaut, les sanctions peuvent être très lourdes.

 

  • Combien coûte le non-respect du dispositif ?

 

Il y a sanction lorsque le préavis n’est pas suffisant et l’indemnisation porte donc sur la période de préavis non réalisé qui aurait dû être effectué aux conditions commerciales antérieures.

L’appréciation de la durée du préavis doit être effectuée au moment de la notification de la rupture étant précisé que la réparation du préjudice ne doit couvrir que les conséquences de la brutalité de la rupture et non celles de la rupture elle-même.

De manière très générale, les tribunaux ont tendance à juger que le préjudice consiste en la perte de marge brute subie par la victime pendant la durée du préavis qui n’a pas été respectée par son partenaire, même si certaines décisions ont retenu la marge nette ou la marge sur coût variable en matière de prestations de services.

La période prise en compte est celle des trois dernières années précédant la rupture.

Mais il est également possible de former une demande en Justice de poursuite des relations pour la durée insuffisante du préavis, ce qui peut être incitatif pour entrer en pourparlers.

Au titre des sanctions, il est également possible de solliciter la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision de Justice de condamnation.

Enfin, il n’est pas anodin de préciser que le Ministère de l’Economie peut se greffer sur une procédure existante pour solliciter la condamnation d’une société au paiement d’une amende civile dont le montant peut avoisiner plusieurs millions d’euros.

 

  • Conclusion

 

Il ressort de ce petit vademecum sur la rupture brutale des relations commerciales établies qu’il est impératif de se faire accompagner par un avocat tant pour rompre un partenariat que si l’on subit une rupture de relation commerciale établie.

LEXYMORE accompagne au quotidien ses clients, tant auteurs que victimes sur la problématique pointilleuse de la rupture des relations commerciales.

Notre métier consiste en effet à anticiper, accompagner, et circonvenir le risque inhérent à toute rupture de partenariat commercial.

Article rédigé par :

Caroline PRUNIÈRESAvocate Associée

Après plusieurs années d’exercice professionnel à Paris au sein de cabinets d’avocats d’affaires à dimension internationale (Salès Vincent &...

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