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Délais de paiement : attention aux risques de sanctions aggravées

Publié le 18 mars 2017

 

Délais de paiement : attention aux risques de sanctions aggravées 

 

Les professionnels et chefs d’entreprise le savent bien : le crédit interentreprises généré par les délais de paiement peut lourdement impacter la rentabilité et la trésorerie des sociétés jusqu’à provoquer leur défaillance. Ceci est en particulier vrai pour les TPE-PME, commercialement moins bien armées pour négocier les délais à leur avantage, contrairement aux grandes sociétés et certaines ETI.

 

Alors qu’ils suivaient une tendance baissière depuis le début des années 2000, la Banque de France a relevé pour 2015, une stabilité des délais de paiement, comme du solde global du crédit interentreprises dans l’Hexagone.

 

Le délai client s’établit désormais à 44 jours et le délai fournisseur à 50 jours. 

 

Pour autant, le déficit de liquidités généré par les retards de paiement est estimé à 16 milliards d’euros pour les PME et près de 6 milliards pour les entreprises de taille intermédiaire. 

 

Face au renforcement progressif des contrôles opérés sur le terrain par la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) et après l’entrée en vigueur de la loi pour la transparence et la modernisation de l’économie (dite « Loi Sapin 2 »), il nous semble opportun de faire un point sur le contenu de la réglementation en vigueur mais aussi sur les risques concrets encourus en cas de manquement constaté.

 

 

Après la promulgation de la loi LME, elle-même suivie des lois Hamon et Macron, le législateur n’a jamais cessé de renforcer la réglementation sur les délais de paiement. La méthode utilisée consiste d’une part à multiplier le nombre et la fréquence des contrôles confiés à la DGCCRF et d’autre part, à rendre encore plus dissuasif le dispositif des sanctions applicables.

 

Il en ressort aujourd’hui en France, hors le cas de certains délais dérogatoires propres à certains secteurs d’activités bien spécifiques, que les délais de paiement inter-entreprises:

 

  • ne peuvent plus excéder les 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture ;

 

  • de façon dérogatoire, 45 jours fin de mois (avec les deux modes de calculs habituels possibles), sous réserve que ce délai soit prévu au  contrat et ne soit pas discriminatoire envers le créancier ;

 

  • si les parties n’ont pas expressément fait le choix de l’un de ces délais, celui-ci est de 30 jours à compter de la réception des marchandises ou de l’exécution de la prestation de service.

 

Pour que s’applique le délai choisi par les parties, celui-ci doit figurer obligatoirement dans les conditions générales de vente et sur la facture concernée. A défaut, le délai de 30 jours s’applique donc automatiquement.

 

En cas de non respect par le client de son obligation de paiement à l’échéance, la loi prévoit plusieurs sanctions automatiques :

 

  • une indemnité forfaitaire de 40 € pour frais de recouvrement devant obligatoirement figurer dans les CGV et les factures ;

 

  • des pénalités de retard correspondant, sauf stipulation contraire, au taux directeur semestriel de la banque centrale européenne majoré de 10 points. Si les parties peuvent y déroger contractuellement, ce taux ne peut être inférieur à 3 fois le taux d’intérêt légal. Ces pénalités sont exigibles sans mise en demeure, dès la date d’échéance.

 

En application de la loi Sapin 2, le plafond de l’amende administrative est à présent porté de 375.000 euros à 2 millions d’euros par infraction constatée. 

 

Qui plus est, l’article L 465-2 VII du Code de Commerce dispose que « lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement. »

 

La DGCCRF a donc désormais la faculté de prononcer plusieurs amendes à l’encontre d’une même entreprise, auteur de différents manquements constaté lors d’un même contrôle, sans limite de montant légal. 

 

Cette même amende administrative est également encourue en cas de contrôle de l’entreprise si l’autorité administrative relève une absence de certaines mentions légales dans les conditions de règlement ainsi que dans les conditions de fixation du taux d’exigibilité des pénalités de retard. 

 

L’administration sera conduite à prononcer autant d’amendes qu’il y a d’infraction constatée. Potentiellement, cela signifie que chaque facture non réglée à son échéance expose l’entreprise contrevenante à une amende pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros, autant d’infractions pouvant être constatées qu’il y a de factures litigieuses. 

 

Cette aggravation des sanctions se double par ailleurs d’un renforcement des contrôles, désormais déconcentrés au niveau des DIRECCTE. Les chiffres nationaux parlent pour eux-mêmes :

 

  • 2011 : 1.780 établissements contrôlés pour 70 procès verbaux et 2 projets de poursuite ;

 

  • 2013 : 2.185 établissements contrôlés pour 142 procès verbaux et 3 projets de poursuite ;

 

  • 2015 : 2.567 établissements contrôlés pour 238 procès verbaux en vue de fonder une procédure de sanction ;

 

En 2015, la DIRRECTE Nouvelle-Aquitaine indique avoir réalisé 415 contrôles pour 551 avertissements, 146 injonctions de se conformer à la loi et 24 amendes administratives d’un montant compris entre 2.500 € et 118.000 €. Elle rappelle que ces contrôles constituent à l’avenir une priorité.

 

La tendance à la hausse devrait donc se poursuivre selon les vœux formulés par Bercy. Entre le 17 mars 2014 et le 31 décembre 2015, 147 amendes administratives ont été prononcées pour un montant de 4,3 millions d’euros et au 31 décembre 2015, 75 procédures étaient en cours dans l’Hexagone pour un montant estimé à 2,6 millions d’euros.

 

S’il semble que l’administration s’en tienne à des avertissements ou des injonctions lors d’un premier contrôle ne révélant pas de dépassements significatifs, il en va autrement en cas de persistance lors d’un contrôle ultérieur ou de dépassements flagrants.

 

Enfin, il convient de souligner que le nouveau cadre légal instaure une publication systématique des sanctions sur le site de la DGCCRF ce qui n’est pas sans conséquence pour la réputation des entreprises ainsi mises en cause.

 

Chaque entreprise devra désormais avoir conscience qu’en traitant des centaines voire des milliers de factures par an, sans se conformer aux dispositions en vigueur en matière de respect des délais de paiement, un nombre très élevé d’infractions pourra potentiellement venir en concours. Si l’on peut espérer que les pouvoirs publics utiliseront raisonnablement les nouvelles dispositions légales, une application même modérée pourra néanmoins conduire à des montants d’amendes extrêmement importants en cas de cumul d’infractions.

 

Une fois le procès-verbal d’infraction dressé par l’administration, le seul moyen de contester l’amende consistera à saisir le Juge Administratif désormais seul compétent pour connaître du contentieux des décisions de sanctions prononcées par la DGCCRF. Dans un tel contexte, chaque entreprise devra être particulièrement vigilante quant aux stipulations des délais de paiement figurant dans ses conditions générales et quant au règlement à échéance des factures, sous peine de prendre des risques significatifs.

 

Selon l’adage « mieux vaut prévenir que guérir », nous ne pouvons que vous recommander une revue de vos conditions générales, un audit de vos pratiques et des outils de facturation, afin d’optimiser le processus de traitement des factures, et si besoin mettre un terme à des usages internes à l’origine d’un allongement dangereux des délais de règlement. 

 

 

 

Article rédigé par :

Ronan LE MOIGNEAvocat Associé

Ronan LE MOIGNE intervient depuis de nombreuses années dans les principaux domaines du droit des affaires. A ce titre, il est régulièrement amené à conseiller les...

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