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La déréglementation des annonces de réduction de prix

Publié le 24 février 2016

 Un arrêté important du 11 mars 2015 a abrogé et remplacé l’arrêté du 31 décembre 2008 – rendant par la même occasion caduque sa circulaire d’application du 7 juillet 2009 – qui instaurait un régime d’interdiction générale de certaines pratiques de réduction de prix.

 

1. Cette abrogation était indispensable pour se conformer à la législation européenne et en particulier à la directive 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, qui exclut par principe tout régime interdisant de manière générale certaines pratiques de réduction de prix, et qui exige au contraire une analyse individuelle du caractère déloyal de celles-ci. 

 

Une pratique n’est en effet jamais négative en soi, mais l’est parce que l’on parvient à en démontrer son effet nocif.

 

En adoptant cet arrêté, le gouvernement a devancé une éventuelle condamnation de la France par la Cour de Justice de l’Union européenne, suite à la condamnation en 2014 de la Belgique, qui instaurait un régime similaire au régime français (CJUE 10 juillet 2014, Affaire C-421/12) .

 

2. Toute annonce de réduction de prix est donc désormais licite sous réserve que la pratique ne soit pas, après analyse in concreto, considérée comme déloyale vis-à-vis du consommateur.

 

Une pratique est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service (art. L.120-1 code de la consommation). 

 

En particulier, l’annonce de réduction de prix ne doit pas reposer sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur et portant sur le prix, le mode de calcul du prix ou le caractère promotionnel du prix (art. L.121-1 2° c) code de la consommation).

 

En d’autres termes, l’annonce de réduction de prix ne doit pas donner l’impression au consommateur qu’il réalise une « super affaire », bien loin de la réalité…

 

3. Point le plus important du nouvel arrêté : le mode de détermination du prix de référence – aussi appelé « prix barré » –, qui sert à calculer les rabais promotionnels, n’est plus imposé par la Loi. 

 

Autrement dit, tout commerçant est désormais libre de déterminer son prix de référence, sous réserve qu’il puisse justifier de la réalité de celui-ci, notamment en cas de contrôle de la DGCCRF (le commerçant doit donc absolument conserver tous documents justificatifs !). 

En pratique alors, comment déterminer son prix de référence sans risquer de tomber sous le coup de la pratique « déloyale » ? 

 

Le commerçant prudent utilisera l’un des trois modes de détermination qui étaient imposés par l’ancienne règlementation, à savoir :

 

-le prix le plus bas effectivement pratiqué par l’annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail ou site de vente à distance, au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité ;

-le prix conseillé par le fabricant ou l’importateur du produit ou le prix maximum résultant d’une disposition de la règlementation économique ;

-à défaut, le dernier prix conseillé, sans que celui-ci ne puisse être antérieur à 3 ans avant le début de la publicité.

 

Mais le commerçant peut aussi désormais s’aventurer vers une autre méthode, peu importe laquelle, dès lors que la pratique ne trompe pas le consommateur. Il faut donc naturellement éviter d’inventer son prix de référence, de gonfler artificiellement son prix avant l’annonce de réduction de prix, de prendre comme référence le prix le plus élevé chez l’un de ses concurrents ou encore un prix pratiqué à l’étranger.

 

4. Si ce nouveau régime accorde plus de souplesse aux commerçants pour stimuler leurs ventes, il le place néanmoins dans une situation d’insécurité juridique, l’administration et les tribunaux devant désormais procéder au cas par cas pour déterminer si une pratique de réduction de prix est illicite.

 

Le risque est d’autant plus élevé pour les commerçants que les moyens de contrôle des agents de la DGCCRF ont été renforcés, et les sanctions des pratiques commerciales déloyales significativement alourdies par la loi Hamon du 17 mars 2014 : les peines ont été portées à 2 ans d’emprisonnement et 300.000€ d’amende (1.500.000€ pour une personne morale). 

 

Le montant de l’amende peut, de plus, être majoré à 10% (50% pour les personnes morales) du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels ou à 50% (250% pour les personnes morales) des dépenses engagées  pour la réalisation de la publicité ou de la pratique (art. L.121-6 du code de la consommation).

 

Il en résulte que si libéralisation il y a, elle impose toutefois aux commerçants de faire preuve de modération dans leurs pratiques de réduction de prix. 

 

Pour l’heure, aucune circulaire n’a été prise pour préciser les modalités d’application de ce nouvel arrêté du 11 mars 2015.

 

 

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