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Ruptures des relations commerciales établies et groupe de sociétés : une analyse au cas par cas

Publié le 04 décembre 2015

Un groupe de sociétés constitue un regroupement d’entités indépendantes dont l’existence économique est prise en compte par le droit fiscal ou bien encore par les règles comptables au travers du mécanisme de la consolidation des comptes.

 

En droit commercial, et plus spécifiquement dans le domaine de la rupture des relations commerciales établies régi par l’article L 442-6 5° du Code de commerce, le raisonnement est tout autre et, à la lumière du principe de l’autonomie des personnes morales, les Juges n’hésitent pas à rappeler qu’en présence de plusieurs sociétés appartenant à un même groupe, la brutalité de la rupture des relations doit être appréciée séparément pour chacune d’elles.

 

Pour mémoire, il sera rappelé que l’article L 442-6 5° pose le principe de la responsabilité d’un producteur, commerçant, industriel ou d’une personne immatriculée au répertoire des métiers qui viendrait à rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans donner un préavis écrit suffisant.

 

Les magistrats adoptent depuis longtemps une interprétation extensive de ce texte qui, de ce fait, trouve à s’appliquer dans de nombreux domaines d’activités et secteurs économiques.

 

Ainsi, toute relation commerciale présentant un certain degré de régularité, de continuité et de durée, qu’elle soit ou non formalisée par un contrat écrit, entre dans le champ d’application de ce texte.

 

Dans un arrêt récent rendu le 6 octobre 2015 (pourvoi n°14-19.499), la Cour de Cassation a été amenée à se prononcer sur la problématique liée à la rupture des relations commerciales établies lorsque la cessation des relations intervient dans le cadre d’un groupe de sociétés.

 

Dans cette affaire, deux sociétés françaises faisant partie d’un même conglomérat japonais connu dans le secteur automobile avaient noué des relations commerciales avec une société tierce leur fournissant des contrepoids en fonte pour les besoins de leur activité d’équipements automobiles.

 

Le contexte était le suivant :

 

-La première société s’était approvisionnée en contrepoids auprès du fournisseur à partir du mois de septembre 2004. Le volume d’affaires entre les deux entités avait été croissant de 2004 à 2007 puis avait décru au cours des années 2008 et 2009. Le 7 octobre 2009, la première société du groupe faisait savoir au fournisseur qu’elle cessait de s’approvisionner auprès de lui ;

 

-La seconde société du groupe, quant à elle, avait débuté l’approvisionnement au mois de juin 2004 avec ce même fournisseur. Alors que le volume d’affaires avait été croissant de 2004 à 2007, il avait, là encore, décru à partir de l’année 2008 jusqu’à ce que la seconde société notifie au fournisseur, le 25 juin 2009,  la cessation de leur relation d’approvisionnement.

 

Le fournisseur évincé a alors assigné ces deux sociétés s’estimant victime d’une rupture brutale des relations commerciales établies avec le groupe industriel en soutenant notamment qu’un préavis d’un an aurait dû lui être accordé au regard de l’ancienneté de la relation commerciale, de sa dépendance économique au groupe, de la spécificité des produits fabriqués ainsi que du temps nécessaire pour retrouver un client équivalent sur ce secteur d’activité.

 

Dans un premier temps, la Cour d’appel de Paris (décision n°12/02755 du 30 janvier 2014) a estimé que le fournisseur était fondé à bénéficier d’un préavis d’un an au titre de ces deux courants d’affaires compte tenu notamment du chiffre d’affaires global généré par les deux sociétés et donc de la dépendance économique du fournisseur à l’égard du groupe.

 

La Cour de cassation est venue casser cette appréciation en rappelant que ces deux sociétés « bien qu’appartenant à un même groupe et ayant la même activité  demeuraient des entités autonomes qui avaient entretenu avec le fournisseur des relations commerciales bien distinctes ».

 

Partant, au terme de cet arrêt, la Cour de Cassation réaffirme une méthode d’appréciation aujourd‘hui bien établie selon laquelle la durée du préavis suffisant doit s’apprécier isolément pour chacun des courants d’affaires dans lequel le groupe est impliqué à l’égard d’un même partenaire.

 

Cette méthode d’analyse doit inviter les dirigeants, lorsqu’ils envisagent de se séparer d’un partenaire travaillant avec plusieurs entités du groupe ou à l’inverse, lorsque plusieurs sociétés du groupe se font évincer par un même partenaire, à appréhender les circonstances (ancienneté de la relation, volume d’affaires, état de dépendance économique, spécificités des produits…) propres à chacun des courants d’affaires auxquels il est mis fin pour évaluer la durée du préavis suffisant.

 

Fanny Penche & Caroline Prunières 

Article rédigé par :

Caroline PRUNIÈRESAvocate Associée

Après plusieurs années d’exercice professionnel à Paris au sein de cabinets d’avocats d’affaires à dimension internationale (Salès Vincent &...

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