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Clause d'approvisionnement exclusif : vous n'êtes pas engagés à perpétuité

Publié le 06 novembre 2019

L’exclusivité d’approvisionnement imposée au distributeur va généralement être la contrepartie permettant l’accès à du matériel premium aux fins de pénétrer un marché. Elle n’est toutefois pas automatiquement accompagnée d’une exclusivité territoriale offerte par le fournisseur et peut devenir un piège dès lors que l’on souhaite élargir ses gammes. Il existe des règles, en droit français et en droit européen, offrant une protection au distributeur, en en limitant la durée.

 

Le législateur français est le premier à s’être saisi de la question en ajoutant notamment, par l’ordonnance n° 2000-912, l’article L. 330-1 dans le Code de commerce. Celui-ci limite « à un maximum de dix ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis à vis de son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur ».

 

L’article 101 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) prohibant les pratiques dites « anticoncurrentielles », c’est ensuite par le droit communautaire, d’application directe et prééminente sur le territoire national, que la durée maximale de ce type de clause va être drastiquement réduite.

 

C’est parce que la libre concurrence est l’un des piliers du marché commun établi par le traité de Rome (devenu « marché intérieur »), que le législateur européen a souhaité limiter la possibilité pour des entreprises concurrentes de s’entendre aux fins de bloquer toute velléité d’intégration d’un nouvel acteur. On souhaite ainsi éviter toute « entente illicite ». 

 

Toutefois, il a dans le même temps estimé que certaines de ces ententes pourraient s’avérer favorables pour les consommateurs. On parle alors d’ « exemptions », sévèrement encadrées. 

 

Au sens de l’article du Règlement (UE) n°330/2010, une clause d’approvisionnement exclusif constitue une obligation de non-concurrence, définie notamment comme « toute obligation directe ou indirecte interdisant à l'acheteur de fabriquer, d'acheter, de vendre ou de revendre des biens ou des services qui sont en concurrence avec les biens ou les services contractuels ».

 

Ainsi, en vertu de l’article 5-1-a) du Règlement précité, l’exemption ne s’appliquera pas si ces clauses sont d’une durée indéterminée ou supérieure à 5 ans. Le renouvellement de l’exclusivité à l’issue de ce délai ne peut alors intervenir que de manière expresse, sous peine d’illicéité au sens du droit européen de la concurrence.

 

Attention toutefois, « la limitation de la durée à 5 ans n'est pas applicable lorsque les biens ou services contractuels sont vendus par l'acheteur à partir de locaux et de terrains dont le fournisseur est propriétaire ou que le fournisseur loue à des tiers non liés à l'acheteur, à condition que la durée de l'obligation de non-concurrence ne dépasse pas la période d'occupation des locaux et des terrains par l'acheteur ». De ce fait, si le fournisseur est propriétaire ou locataire des locaux du distributeur, l’argument relatif à la non-limitation de durée de la clause de non-concurrence n’est plus recevable pour en demander la nullité.

 

En résumé, vous ne pouvez imposer ou vous voir imposer une clause d’approvisionnement exclusif d’une durée indéfinie ou supérieure à 5 ans, sauf accord exprès des parties sur son renouvellement à l’issue de cette période. 

 

La signature d’un contrat intégrant ce type de clause suppose de bien appréhender les tenants et aboutissants d’un tel engagement, relativement à sa portée mais également à sa durée. La prudence est donc de rigueur mais vous n’êtes pas liés ad vitam aeternam quoi qu’en dise le contrat.

 

Toutefois, et nonobstant cette analyse juridique, si le cas se présentait, nous ne pouvons que vous suggérer d’entamer des discussions avec votre co-contractant. En effet, cette obligation est souvent le fruit d’un rapport de force déséquilibré et les risques de dépendance économique n’en sont que plus importants. De plus, il ne faudrait pas se mettre en situation de concurrence déloyale ou de parasitisme en bannissant cette exclusivité sans préavis.

Article rédigé par :

Alexis COUDERCAvocat

Alexis COUDERC a intégré l'équipe de LEXYMORE en 2019 aprés avoir effectué des stages en cabinets d'avocats (Baker & Mckenzie, Lexymore) et dans l'industrie...

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