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Le droit des sociétés à l’heure de la technologie blockchain

Publié le 18 janvier 2019

Parce qu’elle repose sur des caractéristiques de fiabilité et de sécurité, gage de confiance, la technologie blockchain semble promise à un bel avenir (Harvard Business Review Février - Mars 2018 / Marco Iansiti et Karim Lakhani), avec à la clé des utilisations multiples dans des secteurs d’activités aussi variés que la finance, la logistique industrielle, la banque, l’assurance, la santé, l’industrie pharmaceutique, l’immobilier, la création musicale, …jusqu’au droit des sociétés et la gestion des titres financiers.


1. Qu’est ce que la technologie blockchain ?

 

 

Littéralement « chaine de blocs », la blockchain constitue une technologie de stockage et de transmission d’informations, à la fois transparente et sécurisée, par le recours à une technique (ou clés) de chiffrement / déchiffrement, fonctionnant sans organe central de contrôle, sous la forme d’un registre distribué.


La littérature sur le sujet nous enseigne que par extension, une blockchain constitue un type particulier de base de données (c’est-à-dire un registre) distribuée (en anglais, DLT pour « distributed ledger technology ») qui contient l’historique de toutes les transactions effectuées entre ses utilisateurs, depuis son origine, permettant ainsi auxdits utilisateurs de vérifier à tout moment la validité et la traçabilité des transactions opérées.


L’idée est donc celle d’un registre infalsifiable, d’où le fait que cette technologie recèle en tant que tel un fort potentiel de développement.


Tous les participants d’une blockchain peuvent en effet visualiser de manière transparente l’ensemble des données qui y sont inscrites. Le partage décentralisé résulte du fait que plusieurs exemplaires de la même blockchain existent simultanément sur différents ordinateurs. Une fois qu’une donnée y est inscrite, celle-ci ne peut donc plus être modifiée, d’où son caractère irréversible.


2. La France entend devenir le leader européen de la technologie blockchain


Notre Code Monétaire et Financier pose en principe que « le transfert de propriété de titres financiers résulte de l’inscription de ces titres au compte-titres de l’acquéreur » (article L 211-17 du code monétaire et financier). Cela signifie que la propriété et la représentation des titres financiers --actions ou autres valeurs mobilières émises par la société émettrice -- s’effectue au moyen de leur inscription en compte, au nom de leur propriétaire.


Depuis l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017, une nouvelle forme de détention des titres est apparue : en effet, à côté de l’inscription en compte dans les registres d’actionnaires, la représentation et la transmission de titres nominatifs est désormais possible, au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP), grâce à l’inscription dans un registre distribué. La blockchain fait ainsi son entrée dans le droit des sociétés applicable en France.


Dorénavant, l’inscription dans un tel registre électronique équivaudra à une inscription en compte.


En pratique, les sociétés par actions « non cotées » pourront donc tenir le registre des actions au moyen d’un dispositif blockchain puisqu’il est désormais possible, parallèlement au registre des mouvements de titres -- s’agissant de la tenue des comptes individuels d’actionnaires dans lesquels sont inscrits les titres financiers dont chaque actionnaire est propriétaire -- soit de maintenir l’usage du format papier ou de la feuille Excell comme cela a cours aujourd’hui, soit de recourir au format électronique de la blockchain.

Dans ce second cas de figure, les statuts sociaux devront nécessairement prévoir cette nouvelle modalité de fonctionnement.


3. Le décret n° 2018-1226 du 24 décembre 2018

 

Publié au journal officiel le 26 décembre dernier, Il vient utilement préciser un certain nombre de conditions d’utilisation du « dispositif d’enregistrement électronique partagé » (définition suffisamment large englobant la technologie blockchain ou des technologies proches), notamment en ce qui concerne les garanties de sécurité et d’authentification et les modalités de nantissement de titres financiers (articles L 211-20 et R 211-9-7 du Code Monétaire et financier) .


Pour terminer, notons que ce même décret vient opportunément définir les conditions d’émission et de cession des bons de caisses -- également appelés minibons -- qui pourront être émis via des plateformes de financement participatif, pour faciliter l’accès des PME – PMI au financement pour des montants inférieurs à 2,5 millions d’euros. Ces minibons sont nominatifs et leur inscription sur un registre électronique partagé de type blockchain est à présent encadrée juridiquement.


Le but de ces dispositifs, à la fois souples et suffisamment protecteurs, est clairement d’encourager les entreprises qui le souhaitent à l’avenir à recourir à la technologie blockchain et, si possible, faire émerger une pratique vertueuse dans notre pays.


L’avenir nous dira d’ailleurs si la diffusion de cette technologie se répandra comme une trainée de poudre sachant que la France entend encadrer dès cette année, avec la promulgation de la prochaine loi PACTE, la pratique des émissions de jetons numériques, utilisés dans le cadre des levées de fonds dites ICO (« Initial Coin Offering »).


Lexymore, ses équipes corporate et NTIC sont bien évidemment à votre disposition pour toute question et analyse sur ces sujets.

Article rédigé par :

Ronan LE MOIGNEAvocat Associé

Ronan LE MOIGNE intervient depuis de nombreuses années dans les principaux domaines du droit des affaires. A ce titre, il est régulièrement amené à conseiller les...

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