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CONTRAT DE TRAVAIL ET MANDAT SOCIAL

Publié le 14 avril 2017

L’ART DU PARFAIT « CUMUL »

En complément de ses fonctions de direction, un gérant de SARL ou un président de société par actions (SAS, SA, …) peut parfois exercer des fonctions techniques au sein de son entreprise et cumuler ainsi un contrat de travail et un mandat social.

Attention cependant au risque non négligeable de nullité du contrat de travail, en cas d’absence de tâches réelles et indépendantes des fonctions de mandataire social, tâches qui seules permettent de démontrer l’effectivité du travail accompli.

L’enjeu est de taille : le dirigeant qui cumule valablement ses fonctions avec un emploi salarié peut bénéficier, sous certaines conditions, de la protection instaurée par le Code du travail en faveur des salariés, mais aussi de la couverture de l’assurance chômage.

Or, le cumul au sein de la même entreprise d’un mandat social et d’une fonction salariée est plus risqué qu’il n’y paraît, notamment pour les dirigeants de PME de taille modeste ou réduite.

S’il s’avère irrégulier, un tel cumul sera lourd de conséquences financières, tant pour l’intéressé que pour la société qui l’emploie, surtout lorsqu’un changement de direction ou de contrôle de l’entreprise fait apparaître une irrégularité passée, à laquelle il sera par principe impossible de remédier de manière rétroactive.

 

En pratique, si certains dirigeants disposent de bulletins de salaire et relèvent du régime général de la sécurité sociale, ils ne sont pas pour autant titulaires d’un contrat de travail.

La qualité de salarié peut être en effet reconnue à certains mandataires sociaux, mais exclusivement au regard des règles applicables en matière de sécurité sociale et/ou de fiscalité. Le sujet est donc complexe.

Les mandataires sociaux (qu’ils détiennent ou non un bulletin de salaire) sont en effet exclus de la protection prévue par le Code du travail et les conventions collectives. Ils ne peuvent donc prétendre ni à l’assurance chômage, ni aux règles relatives au licenciement, à la durée du travail, aux congés payés ou encore à l’intéressement.

Pour en bénéficier, tout mandataire social doit respecter plusieurs règles relevant à la fois du droit du travail et du droit des sociétés.

 

I- D’une manière générale, pour toutes les formes sociales, le cumul « mandat social - contrat de travail » obéit aux conditions suivantes :

 

  • Tout d’abord, le contrat de travail doit concerner des fonctions techniques distinctes et réellement dissociées des fonctions de direction inhérentes au mandat social.

 

A ce titre, il peut être intéressant de prévoir au sein des statuts des restrictions concernant l’étendue des pouvoirs des mandataires sociaux. Ces restrictions statutaires permettront de souligner les tâches relevant du contrat de travail, puisque ne pouvant être accomplies au titre du mandat social.

Bien évidemment, la taille et l’organisation de la société constituent des critères qui, en cas de litige, seront appréciés par les Tribunaux pour déterminer le caractère réel ou non du contrat de travail et ainsi valider le cumul.

 

  • Le dirigeant doit percevoir une rémunération distincte pour ses activités salariées de celle de ses fonctions de mandataire.
  • L’existence d’un lien de subordination est par ailleurs essentielle, si l’on admet que l’on ne peut être salarié « sous sa propre autorité ».

 

De fait, le gérant majoritaire de SARL, le gérant d’EURL associé unique et le Président de SASU associé unique ne peuvent pas prétendre au bénéfice d’un contrat de travail, toute subordination étant par nature rendue impossible.

 

  • Enfin, la conclusion du contrat de travail ne doit pas constituer une fraude et empêcher la libre révocation du dirigeant.

 

Deux types de sanctions existent :

 

  • Le salarié qui devient mandataire social, alors que sa situation ne lui permet pas un tel cumul (par exemple, le lien de subordination disparaît du fait de sa nomination en qualité de mandataire social), verra son contrat de travail purement et simplement suspendu.

 

  • Lorsque le contrat de travail est mis en place sans respecter des conditions d’un cumul régulier, la nullité du contrat obligera le dirigeant à restituer les salaires perçus.

 

S’il se prévaut d’un contrat de travail, il appartiendra au dirigeant d'en établir l'existence. La charge de la preuve est cependant inversée en présence d’un contrat de travail apparent.

C’est en effet à celui qui invoque le caractère fictif du contrat d'en apporter alors la preuve. Attention toutefois, la production d'un écrit ne suffira pas à créer une apparence de contrat de travail au profit de celui qui prétend avoir été salarié et exercer un mandat social (Cass. soc. 27 février 2013 n° 11-21354).

 

II - Comme cela a été rappelé, si le contrat de travail doit toujours correspondre à un emploi effectif, dans le cas particulier des sociétés anonymes, il convient de prendre en compte certaines dispositions du Code des Sociétés (articles L 225-21-1 ; L 225-22 et L 225-44) qui conduisent à opérer une distinction entre SA à conseil d’administration et SA à directoire et conseil de surveillance :

 

  • SA à Conseil d’administration :

 

Un salarié peut devenir administrateur et ainsi cumuler les fonctions de mandataire social et de salarié. Toutefois, pas plus du tiers des administrateurs ne peut être lié à la société par un contrat de travail.

Un administrateur (ou un membre du conseil de surveillance) d’une SA peut devenir salarié (depuis la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives) uniquement si la société concernée est une PME au sens du droit européen (effectif inférieur à 250 salariés, total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ou chiffre d'affaires hors taxes inférieur ou égal à 50 millions d'euros).

Dans ce cas, le contrat de travail conclu entre la société et l’un de ses administrateurs constitue une convention réglementée.

Ces règles s’appliquent également au Président du Conseil d’Administration (puisqu’il est également administrateur) et aux Directeurs Généraux lorsque ces derniers sont également administrateurs.

En cas de non respect de ces règles, la sanction encourue est la nullité absolue du contrat de travail.

 

  • SA à Directoire et Conseil de surveillance

 

Les règles sont ici plus souples : les salariés peuvent cumuler un mandat social. De même, les mandataires sociaux peuvent cumuler un contrat de travail.

Cependant, le nombre des membres du conseil de surveillance liés à la SA par un contrat de travail ne peut dépasser le tiers des membres en fonctions.

 

Il n’est donc pas toujours facile de devenir un « cumulard ».

Plus la société sera de taille réduite, plus il sera difficile de prouver la réalité du contrat de travail supposé du dirigeant et le cas échéant, le lien de subordination.

La structure de l’entreprise déterminera en grande partie la possibilité de mettre en place un tel cumul, avec toute la sécurité juridique qui s’impose en la matière.

LEXYMORE met régulièrement à la disposition des groupes de sociétés que nous accompagnons son savoir-faire pour identifier l’opportunité et la faisabilité de tels schémas ou pour mettre en place des solutions alternatives

Article rédigé par :

Ronan LE MOIGNEAvocat Associé

Ronan LE MOIGNE intervient depuis de nombreuses années dans les principaux domaines du droit des affaires. A ce titre, il est régulièrement amené à conseiller les...

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